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La démocratisation du handisport moto en France a été un travail fastidieux et de longue haleine, qui, depuis quelques années, commence à porter ses fruits. Si l’aventure a débuté dans les pays voisins, le projet a véritablement pris vie en France. Mais aujourd’hui encore, il est difficile de définir précisément les causes de cette réussite à la française. Elle est probablement due au travail acharné de Stéphane Paulus et des associations, qui, avec la bonne volonté de la Fédération française de motocyclisme (FFM), ont réussi à mener de grands projets. Un travail d’équipe, prouvant une nouvelle fois que le monde de la moto est une grande famille.

Principaux personnages du chapitre

Stéphane Paulus

Kévin Simonato

Christophe Bernard

Anthony Deslias

Benoît Thibal

Arnaud Guignebert

Benjamin Saglio

Emmanuel Senin

Marc Salvadori

Sébastien Poirier

Chaque année, de nouvelles initiatives sont mises en place afin de contribuer à la démocratisation du handisport moto. En 2016, Cœur de pilote, une association liant la moto et le handicap, voit le jour. Son fondateur, Marc Salvadori, est un passionné de moto qui, en 2015, apprend qu’il est atteint d’un cancer. Lors de son traitement, il rencontre de nombreux enfants à l’hôpital. Il se rend alors compte que très peu d’initiatives en faveur des enfants malades existent dans l’univers de la moto. Pour cette raison, il décide de créer Cœur de pilote dont l’objectif est d'emmener des enfants malades sur de grands événements moto.

Coeur De Pilote emmène les enfants malades et leurs familles au sein de grands événements de la moto. Les pilotes de l'association roulent également en leur faveur.
Ils proposent aussi des baptêmes découverte en moto et sidecar. © Coeur De Pilote
Léonard Keygnaert-Royer (sur la moto) et sa famille ont participé à l'édition 2019 du Bol d’Or, avec Coeur De Pilote © Orlane Royer · Coeur De Pilote

Léonard Keygnaert-Royer, neuf ans et demi, est élève en classe de CM2 et atteint d’une leucémie. En 2019, il assiste avec sa mère et ses frères au Bol d’Or, sur le circuit Paul Ricard du Castellet, grâce à l’association. Pour Marc Salvadori et les bénévoles de l’association, il s’agit d’égayer le quotidien des familles : « Je crois qu’on fait autant de bien aux parents qu’aux enfants. »

Une idée confirmée par Orlane Royer, la mère de Léonard : « Pendant la maladie, c’est compliqué parce que le cancer est hyper contraignant. Après cette période ingérable, avoir des associations qui accompagnent les enfants, c’est vraiment agréable. Pour nous, ça a été une bouffée d’oxygène. »

Cette initiative positive contribue au travail mené par Stéphane Paulus et fait avancer l’image du sport moto. Une pensée partagée par Marc Salvadori, qui souhaiterait un jour, monter un projet avec le co-fondateur d’Handi Free Riders : « Plus on sera nombreux, plus ça va créer une synergie et plus ça va avoir d’impact. »

Stéphane Paulus s'est fait connaître du grand public au Mans, lorsqu'il faisait des shows de stunt en ouverture des 24h du Mans moto. Petits et grands aiment immortaliser leur rencontre avec ce pilote. © Bruno Laurent

Grâce au travail mené par les associations, les pilotes et la fédération, le handisport moto s’est bien installé en France. En moins de dix ans, des licences handicap pour les entraînements (NEH) et pour les compétitions (NPH) ont été créées et des championnats de vitesse ont vu le jour. Si la France avait pris du retard sur l’Italie ou l’Espagne en matière de développement du handisport, elle s’impose aujourd’hui comme le pays précurseur de la discipline. « Même si on a mis plus de temps que certains pays limitrophes, quand ça a démarré, ça a démarré fort. » souligne Emmanuel Senin, président de l’association Planète Handisport (PHS).

Si la France est en avance, personne ne souhaite se contenter de ces premières victoires. Les pilotes rêvent tous de plus grand. Bon nombre d’entre eux espèrent que, dans un futur proche, tous les pilotes à mobilité réduite pourront participer à des courses avec les valides, quelle que soit la discipline (vitesse, endurance, enduro…). Stéphane Paulus se penche sur ce dossier depuis plusieurs mois, et espère qu’un jour, un pilote à mobilité réduite montera sur le podium lors d’une course mixte : « Pour moi, d’ici quelques années, les meilleurs pilotes handis vont être capables d'écrire des histoires parmi les valides. Je pense que c'est possible, les chronos sont là. »

Photo : circuit Carole © Jérôme Boyot - L'Art de l'Instant

Actuellement, pour rouler parmi les valides, les pilotes handis doivent être en capacité de prendre un départ arrêté seuls. Une condition imposée par la FFM, qui exclut, de facto, les pilotes paraplégiques des courses avec les valides. « On a conscience que pour les meilleurs pilotes handis, ce serait un rêve absolu de participer à une compétition avec des valides. Ce n’est pas une difficulté liée au niveau sportif, c’est veiller à ce que le handicap ne constitue pas un danger pour le pilote et pour les autres. » explique Sébastien Poirier, président de la FFM. Lors des courses, le principal risque est la chute. Lorsque des pilotes paraplégiques chutent, il est impossible pour eux de se relever et de dégager rapidement la piste pour se mettre en sécurité. Lors de courses mixtes, mêlant pilotes valides et pilotes paraplégiques, le risque de suraccident serait multiplié selon la fédération. L'instance tente de trouver un compromis avec les pilotes et les associations pour que leurs envies se concrétisent sans mettre en péril la sécurité sur les circuits. Le projet étant encore en cours d’élaboration, aucune évolution de règlement n’est prévue pour la saison 2022.

S’ils ne peuvent pas tous rouler avec les pilotes valides, certains ont d’autres rêves. Les championnats de vitesse réservés aux PMR ont fait leurs preuves. Aujourd’hui, quelques pilotes souhaiteraient s’essayer à de nouvelles disciplines. L’association Moto Racing Handicap 45 (MRH45) et ses pilotes ont déjà franchi le pas en participant à des courses d’endurance mixtes. Mais Benjamin Saglio, pilote amputé membre inférieur, voit plus loin. « J'adorerais, qu'on puisse avoir des PMR dans toutes les disciplines, qu'on ne soit plus limité à la vitesse [dont fait partie l'endurance]. Je crois que ce serait faire briller tout ce que le monde de la moto a à offrir. Il y a plein de pilotes à mobilité réduite qui gagneraient à goûter à différentes disciplines. Et le côté passionnant de rouler quand tu es à mobilité réduite, c'est de trouver des solutions. Ce sont d'autres moyens techniques à découvrir. »

Le pilote paraplégique Benoît Thibal roule lui aussi en supermotard. Lui qui était titré en enduro lorsqu'il était valide, en supermotard, il sollicite davantage le corps par rapport à un roadster ou une sportive. © Benoît Thibal

Après avoir mis en place un championnat de France, puis un championnat d’Europe, la prochaine étape semble évidente: un championnat du monde de vitesse réservé aux PMR. L’envie de se frotter aux meilleurs pilotes handis internationaux ne manque pas. « C'est un rêve au fond de moi, d'avoir un beau championnat du monde. Ça pourrait avoir de la gueule dans quelques années. » affirme Stéphane Paulus. Mais le président d’Handi Free Riders (HFR) préfère prendre son temps avant de se lancer dans la création de cet immense projet.

L’objectif principal étant de faire grandir le championnat de France et le championnat d’Europe en rassemblant davantage de pilotes sur la ligne de départ. Faire grandir le vivier de pilotes permettrait d’augmenter le nombre de courses et de catégories. Christophe Bernard, pilote de la PMR Cup, souhaiterait que les pilotes soient divisés en plusieurs catégories, selon la puissance des machines : « L’idéal serait qu’on soit beaucoup de pilotes pour avoir une course 600 et une course 1000. Pour l'instant, on roule tous ensemble, mais ce serait bien qu’on ait tous la même moto au départ. Pour cela, il faudrait au minimum 15 pilotes dans chaque catégorie. » À ce jour, le double-classement 600 et 1000, au sein des deux championnats handisport, garantit l'équité des résultats en fonction de la cylindrée des machines. Mais la division des pilotes en deux catégories permettrait de réduire les écarts de vitesse sur la piste et promettrait des batailles à puissance égale.

À travers ces rêves très différents, tous ont le même objectif, le même but à atteindre. Contribuer à leur manière à l’histoire du handisport moto. La discipline continue de grandir grâce aux projets menés par la fédération, les associations et les pilotes eux-mêmes. Un constat qui ravit Emmanuel Senin, président de l’association PHS. Les évolutions de ces dernières années lui ont permis de remonter à moto 26 ans, jour pour jour, après son accident : « Ça continue de pousser. Est-ce que c'est parce qu’on n’en a jamais assez ? Ou parce que ça a coûté de défoncer les portes et qu’on ne veut pas qu'elles se referment ? ».

Aujourd’hui, les passionnés de sport moto découvrent ces championnats réservés aux pilotes handis. De plus en plus de spectateurs suivent les courses PMR chaque année et remplissent les tribunes. Cette catégorie a réussi à trouver son public. Une reconnaissance pour les pilotes sur la ligne de départ. « On sent que ça commence à se développer. On n’est pas à l'apogée. Mais on commence à être suivis et ça fait plaisir à voir. » souligne Anthony Deslias, pilote de la PMR Cup. Le handisport moto reste une discipline jeune et peu médiatisée en France dont le prochain objectif est de conquérir le cœur du grand public. Pour suivre les destins de ces pilotes hors du commun, rendez-vous sur les bords de piste.

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